Quatre mois après la débâcle de Grandson, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, se jette sur Morat. Loin d’apaiser la fureur du Prince, la défaite excite en lui le désir de la vengeance. De dépit, il tombe malade. Il se laisse pousser la barbe en signe de deuil, jurant de ne la couper qu’après avoir revu le visage des Suisses. Des renforts lui parviennent d’Italie et de Bourgogne. Il reconstitue une armée dans les environs de Lausanne.
Vers la fin mai, le grand-duc d’Occident s’ébranle en direction de Berne, à la tête d’une armée de 30’000 hommes. Après avoir hésité sur la route à suivre, il jette son dévolu sur Morat. La petite ville, derrière ses remparts, est défendue par une garnison de 2000 soldats, bernois et fribourgeois, commandés par Adrien de Boubenberg.
Les troupes ducales l’investisent. La garnison tient ferme, bien qu’une brèche ait été ouverte dans les remparts. La résistance de la place permet aux Confédérés d’accourir. 25’000 hommes se rassemblent dans les environs de Cressier, le 21 juin 1476.
Le lendemain a lieu la bataille. C’était la fête des “Dix mille martyrs” et le jour anniversaire de la victoire de Laupen...Depuis le matin, il pleuvait à torrents. Vers midi, les bourguignons, trempés jusqu’aux os, s’étaient retirés sous leurs tentes,. pensant que le combat n’aurait pas lieu.
C’est alors que l’avant-garde suisse fait irruption de la forêt; elle est constituée par les contingents de Berne, de Fribourg et de Schwytz, soit 5000 lansquenets sous les ordres de Hans de Hallwyl et de Hans Waldmann.Tout à coup, un trait de lumière déchire les nues: “Confédérés, s’écrie de Hallwil, le soleil vient éclairer notre victoire !”
Face à l’adversaire, les soldats ploient le genou et récitent pieusement sept Pater et Ave. Puis, en rangs serrés, bannières au vent, ils marchent à l’assaut.
Les canons et les couleuvrines de l’avant-poste bourguignon déversent sur eux une grêle de projectiles. Soudain, les schwytzois découvrent un passage dépourvu de sentinelle; ils s’y engagent, prennent l’ennemi à revers, le bousculent et bientôt mettent l’armée entière en déroute.
Le Duc, qui s’était promis de déjeuner à Morat, de dîner à Fribourg et de souper à Berne, réussit à grand-peine à s’évader par la route d’Avenches. Son armée, coincée comme dans un étau, entre la garnison de Morat, les troupes confédérées et le lac, est taillée en pièces. Plus de 10’0000 morts gisent sur le champ de bataille. Les fuyards sont harcelés sans miséricorde.
Ecoutez le barde Veit Weber : “ Avec nos piques de dix-huit pieds (5m 40), nous les avons piqués aus reins, nous les avons embrochés comme des oies de Noël. Il y en avait qui montèrent aux arbres, nous les avons secoués comme des poires, nous les avons tués comme des corneilles. Il y en a qui sautèrent dans le lac, nous avons pris de bateaux et, avec les rames, nous leurs avons cassé la tête comme on casse des noisettes...”
Les Confédérés détachent de toutes parts des messagers, un rameau de tilleul à leur casque.Le jeune guerrier qui, d’après la tradition, annonça la nouvelle à Fribourg, serait tombé raide mort après avoir proclamé la victoire. La foule recueillit la branche tombée de ses mains défaillantes et la confia à la terre. Elle serait devenue le vénérable tilleul qui ombrage la place de de l’Hôtel de Ville
Le soir, sur le champ de bataille, les vainqueurs font monter vers le ciel des prières d’action de grâces pour remercier le Tout-Puissant.
Le butin, sans être aussi considérable que celui de Grandson, était loin d’être négligeable. Il comprenait la chapelle ducale, une centaine de canons, un millier de tentes, deux à trois cents bannières, une énorme quantité de chevaux, de chars, d’armes et de cuirasses. La plus grande partie de ce trésor se trouve au Musée d’histoire de Berne
On creusa des fosses communes et l’on y jeta les cadavres des ennemis. Quatre ans plus tard, leurs ossements en furent retirés et déposés dans l’ossuaire de Morat.
N.B.
7 autres stabadins (habitants d’Estavannens) prirent part à cette bataille, comme guerriers “à pied” sous le commandement du Comte Loys de Gruyères, fils du Comte François 1er : Rolet Sudan, Johannet Sudan, Thomas Rabbod, Nicod D’Arses, Claude Cutra, Jeahan Villiet et Jehan Salagnon, alias Jaquet.
Le panorama de cette bataille a été réalisé entre 1893 et 1894 par le peintre munichois Louis Braun, assisté d’un collectif d’artistes-peintres. L’exécution a été réalisée en 10 mois. Elle se compose de trois rouleaux. Le prix de sa restauration se monte à 2.1 millions de francs suisses. Durant l’Expo 02, ce panorama a été exposé sur l’arteplage de Morat, dans le monolithe de Jean Nouvel. Aujourd’hui, il est visible à ... ??? ... Voici ses caractéristiques :
Longueur : 94.40 m. Hauteur 10.50 m. Surface : 1’000 m2 Poids : 1’500 kg
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